La pompe EtaLine Pro en tant que système global : entretien avec Steffen Horchler

Une approche inédite de la conception de pompes

Magazine KSB : M. Horchler, bonjour ! Vous travaillez chez KSB depuis 2002 et vous êtes actuellement chef de produit pour la nouvelle pompe en ligne EtaLine Pro. Pouvez-vous nous présenter rapidement le dernier-né de la gamme ?

S.H. : avec plaisir. La nouvelle EtaLine Pro est une pompe en ligne tout à fait inédite que nous avons conçue spécialement pour les applications du secteur du bâtiment.

Magazine KSB : vous venez de dire « tout à fait inédite ». Pouvez-vous nous en dire plus sur ce point ?

S.H. : l’EtaLine Pro a été conçue et développée de manière complètement différente par rapport aux pompes existantes. Nous entendons ainsi dépasser les réglementations ErP actuelles et à venir.

Magazine KSB : ErP est l’abréviation de « Energy related Products » (produits liés à l’énergie). La réglementation à ce sujet est peut-être mieux connue que la directive en matière d’écoconception de l’Union européenne. Avec ces règles, l’UE souhaite promouvoir la lutte contre le changement climatique en fixant la consommation d’électricité de produits liés à la consommation d’énergie.

S.H. : exactement. On estime qu’environ 10 % de la consommation d’énergie électrique mondiale est imputable uniquement aux pompes. Il y a donc un véritable potentiel à exploiter. Rien d’étonnant donc à ce que l’UE souhaite mettre en œuvre ce règlement le plus rapidement possible.

Magazine KSB : quelles sont les conséquences concrètes sur le développement des pompes ?

S.H. : les nouveaux règlements veillent à ce qu’il ne soit plus possible de proposer des produits énergivores obsolètes au sein de l’Union européenne et à les faire disparaître progressivement, de manière similaire à l’interdiction des lampes à incandescence classiques. Entré en vigueur en 2009, le règlement concernant les circulateurs a été régulièrement remanié, élargi et, bien sûr, renforcé au fil des ans. Je prédis d’ailleurs que cela s’appliquera aussi aux pompes à rotor sec. Quoi qu’il advienne, nous sommes bien parés pour l’avenir avec la nouvelle EtaLine Pro.

IE ? MEI ? EEI ? Comment les distinguer ?

Magazine KSB : dans le contexte de l’efficacité énergétique des pompes, on rencontre souvent les abréviations IE, MEI et EEI. Que signifient ces sigles et comment sont-ils liés ?

S.H. : IE signifie « International Efficiency » et désigne la classe d’efficacité énergétique internationale. Il définit la classification du rendement d’un moteur. Jusqu’à récemment, l’échelle de mesure s’étendait de IE1, la plus mauvaise valeur, à IE4, la meilleure valeur. Or, le marché propose déjà depuis des années des moteurs dont le rendement énergétique est encore plus efficace qu’IE4. C’est la raison pour laquelle la norme a été mise à jour et les moteurs peuvent désormais être aussi conformes à la classe IE5.

MEI est l’abréviation de « Minimum Efficiency Index » (indice de rendement minimal) et fait typiquement référence à l’hydraulique d’une pompe à eau. Pour déterminer cet indice, on mesure le rendement de différents types de pompes en charge partielle et en surcharge et on le calcule au moyen d’une formule. Le MEI met en relation les résultats de mesure avec le produit offrant le meilleur rendement énergétique sur le marché. Un MEI actuel de ≥ 0,7, par exemple, signifie que plus de 70 % des autres pompes de ce type disponibles sur le marché ont un plus mauvais rendement.

Magazine KSB : ce chiffre nous fournit donc des indications sur le moteur et sur l’hydraulique, mais aucune sur la pompe complète.

S.H. : exactement et c’est là un point crucial. S’il est vrai que la classe IE5 est un indice de qualité du moteur et un MEI de 0,7 un indice de qualité de l’hydraulique, ces informations ne sont pas vraiment fiables pour la pompe en tant que système global. Le rendement global du moteur électrique, de l’hydraulique et de la régulation électronique est bien plus déterminant, surtout s’il est adapté aux besoins dans la plage de charge partielle selon laquelle la pompe fonctionne la majeure partie de l’année.

Magazine KSB : et c’est là que l’EEI entre en jeu ?

S.H. : exactement ! Un règlement européen prévoyant une évaluation plus réaliste de l’efficacité énergétique des pompes à rotor sec est actuellement en projet. EEI signifie « Energy Efficiency Index » (indice d’efficacité énergétique). Ici, la puissance absorbée du moteur électrique est mise en relation avec la puissance hydraulique. On calcule donc la quantité d’électricité dont la pompe a besoin pour acheminer une quantité d’eau donnée.

Magazine KSB : comment déterminer cette valeur ?

S.H. : comme le MEI, l’EEI n’est pas une grandeur mesurée absolue, mais une valeur relative. Pour l’évaluer, on se base également sur les valeurs de référence des pompes disponibles sur le marché. Le calcul de la valeur s’effectue en comparant la puissance absorbée moyenne de la pompe à la puissance absorbée de référence d’une pompe standard actuelle. Un EEI de 0,3, par exemple, signifie que la pompe ne nécessite que 30 % de la puissance définie comme valeur limite critique. Ou plus simplement : plus l’EEI est faible, moins la pompe consomme d’énergie. Mais attention ! À l’avenir, l’EEI d’une pompe à rotor sec ne pourra pas être comparé avec celui d’une pompe à rotor noyé, car on utilise d’autres puissances de référence comme base de calcul.

Magazine KSB : d’accord et comment avez-vous procédé pour obtenir un EEI aussi bas que possible pour la nouvelle EtaLine Pro ?

S.H. : l’IE et le MEI nous permettent de voir qu’une pompe est constituée de composants très différents. Tout d’abord l’élément central de la pompe : l’hydraulique, c’est-à-dire la roue montée dans le corps de pompe, qui aspire le fluide et le propulse dans la tuyauterie de refoulement. Ensuite, on a le moteur qui fait fonctionner l’hydraulique. Sur les pompes modernes, on a en plus la commande électronique avec les capteurs, la régulation de vitesse, etc.

Jusqu’à présent, chacun de ces composants était conçu pour apporter distinctement une efficacité énergétique optimale. Nous avions donc un moteur au fonctionnement économique, une hydraulique efficace et une unité de commande optimisée. Chaque composant séparément. Le problème est qu’il faut d’abord les assembler au mieux pour les coordonner ensuite correctement.

Magazine KSB : cela rappelle un peu une équipe de foot…

S.H. : c’est tout à fait ça : on a un gardien de but de classe mondiale, un milieu de terrain de haut niveau et un attaquant talentueux. Cela nous fait déjà une forte probabilité d’avoir une bonne équipe. Maintenant ce qui compte, c’est que ces trois joueurs aient également une excellente synergie quand ils jouent ensemble. J’ose même affirmer qu’une équipe parfaitement rodée pourra battre ces trois champions. Pour revenir à la pompe : nous avons constaté que nous avions atteint une efficacité énergétique globale très élevée avec nos composants individuels, mais qu’un système global parfaitement coordonné nous offrirait encore plus de potentiel. Dans la mesure du possible, il fallait supprimer complètement tout adaptateur et toute interface dont nous avions besoin jusqu’à présent pour regrouper les composants individuels. Car ils sont eux aussi gourmands en énergie.

Développer une nouvelle pompe, c’est aussi emprunter de toutes nouvelles voies.

Magazine KSB : vous avez donc dû tout recommencer lors de la conception et du développement de la pompe.

S.H. : tout à fait, nous avons quasiment tout repris à zéro. Et au lieu de travailler avec plusieurs équipes pour les différentes disciplines, nous avons constitué une équipe interdisciplinaire composée d’experts. Dès le début, nous avons donc eu des spécialistes pour le moteur et pour l’hydraulique, mais aussi des électroniciens, des ingénieurs en logiciels et des concepteurs produit.

Magazine KSB : et ensuite, vous vous êtes mis au travail. Comment avez-vous procédé ?

S.H. : nous nous sommes demandé, par exemple, quelle était la bonne tension pour les bornes internes du moteur, quelle était la bonne vitesse de rotation pour l’arbre de pompe. Et pour cela, nous nous sommes affranchis de règles obsolètes (400 V, 50 Hz égale 3000 t/min). Par exemple, une tension plus élevée diminue le courant et, par conséquent, la masse de cuivre. Une vitesse de rotation plus élevée réduit le couple et, par conséquent, la masse d’acier nécessaire à l’arbre. C’est comme en Formule 1, on peut gagner en puissance en jouant sur la vitesse de rotation ou sur la cylindrée. Notre EtaLine Pro est donc nettement plus légère et plus compacte grâce à des vitesses de rotation plus élevées.

Magazine KSB : et quel a été le résultat ?

S.H. : à notre niveau, le résultat a été surprenant : pour un débit de 20 m³/h et une hauteur manométrique de 30 m par exemple, la nouvelle EtaLine Pro émet 43 % d’émissions de CO₂ en moins lors de sa production et elle présente une apparence plus homogène que celles de tous les modèles précédents. Il y a un concept unique avec un seul écran, une plaque signalétique, des capteurs intégrés et un module de commande moderne et facile à utiliser. Tout semble mieux pensé dans une optique globale.

Ce sont les valeurs intérieures qui font la différence !

Magazine KSB : mais je suppose que cette approche globale ne se cantonne pas à la production, n’est-ce pas ?

S.H. : en effet. Notre objectif était de développer une pompe qui offre non seulement un fonctionnement à haut rendement, mais qui se conforme aussi à tous les aspects de la durabilité. Nous voulions notamment réduire considérablement le nombre de variantes nécessaires. Nous répondons aux besoins particuliers du client, en proposant des délais de livraison courts et sans personnalisation mécanique. L’option « Tune to process » nous permet d’offrir une deuxième, voire une troisième vie au même produit et de prolonger sensiblement la phase d’utilisation.

Magazine KSB : pas mal…

S.H. : nous évitons ainsi les pertes d’efficacité occasionnées par des machines souvent surdimensionnées « par crainte ». Une EtaLine Pro ne peut fonctionner que de manière efficace.

Magazine KSB : pour quelle raison ?

S.H. : parce que les types de régulation sans capteur assurent un fonctionnement de la pompe constamment adapté aux besoins et parce qu’on peut l’adapter de manière simple et intuitive aux paramètres modifiés de l’installation en utilisant l’application KSB FlowManager. De plus, la pompe offre en permanence une transparence totale sur l’état de fonctionnement et de l’installation.

Magazine KSB : merci pour ces explications, Monsieur Horchler. Pour conclure, projetons-nous un peu dans l’avenir. Quel est votre avis ? Ce mode de conception globale de pompe peut-il servir de modèle à d’autres développements de KSB ?

S.H. : je pense que oui. À mon avis, le fait d’avoir choisi de travailler au sein d’une équipe interdisciplinaire était très judicieux. Et je suis vraiment impressionné par le résultat : si l’on ne considère pas systématiquement les pompes comme un assemblage de composants individuels, mais comme une unité systémique intégrée, il reste un énorme potentiel d’efficacité à exploiter. L’énergie est de plus en plus coûteuse et la durabilité de plus en plus importante. Je pense donc que l’EtaLine Pro fait véritablement figure de pionnière et de modèle pour d’autres gammes. Nous avons encore de quoi faire !

Magazine KSB : merci pour cet entretien !